Dans l'histoire des civilisations, on peut dire que cette substance fut, avec le minerai de fer, l'une des plus décisives des matières premières : le bois.
Le bois, c'est la construction d'habitations, de mobilier, d'objets d'emballage, mais aussi l'invention de la marine, à rame pour commencer, à voile ensuite, bien avant le moteur à explosion. C'est donc une substance sans laquelle il n'y aurait pas pu y avoir de grandes découvertes géographiques, ni de grands voyages intercontinentaux, ni de conquêtes coloniales à travers mers et océans.
De nos jours, le bois est censé faire la fortune de tas de pays du Tiers-monde, notamment de la frange équatoriale des continents africain, sud-américain et asiatique (cf. acajou, okoumé, ébène, bois rose, santal, etc.). Mais on trouve aussi du bois dans les régions les plus septentrionales du monde, notamment les conifères, qui ont la particularité de ne jamais perdre leur feuillage. Ce qui suit est tiré d'une iconographie datant des années 1905-1915 dans la Russie du Tsar Nicolas II, lequel chargea le photographe Mikhailovitch Prokudin-Gorski de réaliser un descriptif photographique aussi exhaustif que possible de l'empire sous tous ses aspects et dans ses moindres recoins.
Comme on peut le voir ci-dessous, le bois occupe une place importante dans l'économie de la Russie tsariste, à l'instar de ce qu'on peut également observer dans des pays froids et riches en forêts comme l'Alaska, le Canada, la Scandinavie, les Vosges, le Jura, les Alpes, etc.
Comme preuve que le bois est un matériau parfaitement adapté à tous les types de climat, c'est le principal composant, comme ici, de l'habitat des régions les plus septentrionales, donc les plus froides du monde. On pourrait presque affirmer que le bois y est omniprésent.
Izba est le nom que les Russes donnent à cette cabane faite de simples rondins de bois superposés ; un habitat rustique et robuste à la fois, de quoi loger à peu près tout le monde.
Au début du XXème siècle, l'immense territoire qu'est la Russie des Tsars sort du sous-développement en réalisant de grands travaux portant sur l'infrastructure routière, le chemin de fer, les barrages, ports, etc. Par parenthèse, ces images se situent à des années-lumière de l'atmosphère misérabiliste des paysans russes, telle que décrite par ce talentueux propagandiste, mais grand manipulateur tout de même que fut S. M. Eisenstein : la Russie de Prokudin-Gorski n'est pas ce pays moyenâgeux présenté par le cinéaste communiste !
La versatilité, et probablement l'abondance de la matière première sont telles que sur les images qui suivent, on peut dire que même sur les ponts de chemin de fer, hormis les rails, tout le reste est en bois.
Le développement économique et technique de la Russie progressant, sur les lignes de chemin de fer, le bois finit, un jour, par s'effacer complètement au profit du béton et de l'acier.
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Transsibérien, pont au-dessus de la rivière Onda, vers 1910 |
Les images qui précèdent auraient fort bien pu être tirées d'un reportage dans un pays actuel, en voie de développement, ou encore émergeant, comme on aime à dire de nos jours, par exemple, un pays africain. Il reste que les images que nous avons généralement des pays africains, en tout cas des campagnes et des zones rurales, pas en 1905 ou 1910 mais bien de nos jours, ressemblent plutôt à celles qui suivent : on appelle ça des cases, mais on peut aussi les appeler bicoques, masures, taudis... Il est vrai que, durant des décennies voire des siècles de colonisation, les occupants n'ont pas trouvé le temps de développer grand chose, hormis certains équipements (ports et voies de chemins de fer) spécialisés dans la seule évacuation des matières premières vers la "métropole". En attendant, depuis des temps immémoriaux, le paysan africain vit dans quelque chose qui ressemble à ça...
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Le problème est qu'à l'instar des forêts russes, celles de l'Afrique regorgent de bois, des essences rares, certes, donc chères, et, par voie de conséquence, plutôt destinées aux riches clients de l'hémisphère nord !
Et c'est là qu'on se dit : "quel dommage qu'aujourd'hui encore, nos richesses naturelles profitent si peu à nos propres populations !". Par ailleurs, dans le même ouvrage, dont j'ai extrait le reportage précédent sur la Russie des années 1900, j'ai déniché cet étrange cliché :
Vous avez vu ça ? Une forêt de bambous, dans une des régions les plus froides du monde, la Russie de Nicolas II, soit vers 1910. Ça par exemple !
La suite coulait de source...
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