Parmi les marqueurs du sous-développement, on trouve en très bonne place le manque d'imagination et l'incurie des soi-disant élites, ai-je l'habitude de ressasser.

En guise de démonstration, voici un article déniché dans le National Geographic, édition française. Nous sommes en RDC, ex-Zaïre, soit dans la plus grande zone (originellement) boisée d'Afrique.

Ce qui précède est une parcelle de "forêt" de 22000 hectares (220 km²), appartenant à un ressortissant belgo-congolais qui se trouve être ingénieur agronome de formation. Comme on peut le voir, la forêt primaire d'origine a entièrement disparu pour faire place à une savane arbustive.

Où l'on retrouve le schéma classique représentatif de toutes les villes "modernes" du Tiers-monde : des zones résidentielles suréclairées et des bidonvilles où l'on a oublié la modernité ("la grande majorité cherche à survivre dans des cahutes en briques et en tôle."). Et toujours cette réalité incroyable : "nourrir sa famille y reste une préoccupation quotidienne.". Mais comment diable font les paysans du Tiers-monde pour préférer s'entasser dans un camp de concentration sordide où tout s'achète, plutôt que de vivre dans leur village originel, là où, au moins, ils pouvaient travailler la terre, aller à la chasse ou à la pêche ?

Par parenthèse, la langue française présente bien des subtilités qu'il faut connaître, comme celle-ci : dire d'un homme qu'il est menuisier de formation, ou d'une femme qu'elle est infirmière de formation, signifie que l'homme n'exerce plus la profession de menuisier, pas plus que la femme n'exerce celle d'infirmière. Il s'agit juste d'un cursus académique qu'ils ont reçu dans un passé plus ou moins lointain, et dont ils se sont éloignés par la suite : d'un médecin "en exercice", on ne dit pas qu'il/elle est "médecin de formation", la chose tombant sous le sens !

L'idée de l'entrepreneur, ingénieur agronome de formation, est de reboiser..., laisser pousser des essences rapides pour les transformer, quelques années plus tard, en charbon de bois... Le problème est que notre ingénieur agronome de formation, pas plus que son associé professant à l'université libre de Bruxelles... ne connaissent le bambou, cette essence ultra-rapide qui, ailleurs, remplace fort avantageusement le charbon de bois, après avoir été dessechée et pulvérisée, puis compactée sous forme de boulettes et de bûchettes utilisées dans le chauffage ou la cuisine. Et c'est là que je suggérerais volontiers à nos agronomes (de formation) de faire une petite tournée en Asie, ne serait-ce que via l'Internet.

Dernier petit détail, cette déclaration de notre agronome de formation : "Paradoxalement, ce sont les paysans - bien plus que les forestiers - qui sont responsables de la déforestation.". C'est un tout petit peu vrai, mais en grande partie faux, et c'est là qu'on aurait souhaité une analyse plus fine de la part d'un "agronome de formation" !

On met souvent la déforestation sur le compte de la culture sur brûlis. Il est vrai que cette dernière y contribue pas mal, à ceci près qu'en zone humide, les plantes - dont les racines sont toujours présentes dans le sol - redémarrent dès les premières pluies si rien ne s'y oppose et qu'au bout de quelques années, a fortiori, de quelques siècles, un site abandonné reprend quasiment son aspect sauvage originel. Pensons aux ruines d'Angkor-Vat, au Cambodge, entièrement noyées dans les arbres qui avaient reconquis l'espace. Le même problème se pose pour tous ces sites précolombiens Mayas, Aztèques ou Incas, dont les archéologues recherchent activement les vestiges engloutis par des forêts luxuriantes. (Lecture)

Le véritable problème de la déforestation par les paysans est ailleurs, et c'est ce que nous allons tenter d'expliquer à tous les agronomes de formation et à tous ceux et celles qui liront cet article.

Prenons cet abbatis guyanais déjà reproduit ailleurs sur ce site : les gros arbres ont apparemment disparu, mais que cet emplacement soit abandonné par ses occupants et, quelques années plus tard, toute trace d'occupation humaine aura été noyée sous la verdure. (Lecture)

Le fait est qu'à l'échelle d'une simple famille, l'impact sur l'environnement reste modéré. Mais il en va tout autrement lorsqu'il s'agit de produire du bois de chauffe pour les besoins de la ville, en clair, lorsque le paysan se mue en exploitant forestier de fait, non pas pour dégager des espaces cultivables pour sa propre consommation, mais pour exploiter une ressource pour les besoins de consommateurs urbains toujours plus nombreux, ainsi que le suggère l'image d'un marché illustrant l'article cité plus haut.

Et, de fait, les grands responsables de la déforestation ne sont pas tant les paysans que les consommateurs (de charbon de bois) entassés en ville. C'est particulièrement flagrant dans des pays comme Madagascar ou Haïti, dont les forêts ont été entièrement ravagées par la pratique du charbonnage. Cette réalité est illustrée de manière particulièrement explicite sur les images qui suivent, en commençant par des trafiquants de charbon de la région de Goma (RDC).

Et que penser de cette image tirée d'un reportage du National Geographic en Somalie, ce pays devenu le royaume de tous les trafiquants et magouilleurs ?

Un camion roule vers Mogadiscio, rempli de charbon tiré des plus en plus rares forêts du sud de la Somalie. Le charbon sera ensuite expédié dans les pays du golfe Persique, comme l'Arabie saoudite - qui protège ses propres arbres par des dispositions légales (National Geographic, septembre 2009).   (Lecture)

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